Le délai de trois jours accordé le 24 septembre par Vladimir Poutine aux combattants pour qu'ils déposent les armes est passé.

Le Kremlin récuse la médiation de M. Chevardnadze dans le conflit tchétchène

2 octobre 2001

LE MONDE | 02.10.01

Le Kremlin a récusé, lundi 1er octobre, une offre de médiation du président géorgien, Edouard Chevardnadze, pour mettre fin au conflit en cours depuis deux ans dans la République indépendantiste de Tchétchénie, que la Russie considère comme une "affaire strictement intérieure". Alors que les bombardements ont repris sur des villages tchétchènes, le président Poutine a quitté Moscou, lundi pour se rendre à Bruxelles.

MOSCOU correspondance

Alors que la deuxième guerre de Tchétchénie vient d'entrer dans sa troisième année - elle avait officiellement commencé le 1er octobre 1999 -, de timides perspectives de pourparlers se sont profilées, mais le scepticisme prédomine quant à leurs chances d'aboutir. La presse russe, qui avait abondamment évoqué le premier anniversaire de la guerre l'an dernier, a complètement passé sous silence le second, lundi 1er et mardi 2 octobre.

Le délai de trois jours accordé le 24 septembre par Vladimir Poutine aux combattants pour qu'ils déposent les armes est passé, sans que la situation n'ait évolué. Moins d'une dizaine d'armes ont été remises aux forces fédérales, les bombardements de villages tchétchènes ont continué, selon les indépendantistes, et des attaques rebelles ont encore eu lieu au cours du dernier week-end, notamment à Chali et à Kourt-Chaloï, deux villages à une vingtaine de kilomètres de Grozny, d'après les forces fédérales.

Selon les dernières données officielles disponibles, le nombre de morts depuis le début du conflit s'élevait à 3 433 à la fin du mois de juillet, du côté des forces fédérales. Pour les défenseurs des droits de l'homme, il serait trois fois plus important. Les indépendantistes estiment pour leur part que plusieurs dizaines de milliers de civils ont été tués.

TROIS JOURS

Edouard Chevardnadze, l'ancien ministre soviétique des affaires étrangères, devenu président de la Géorgie, avait accepté, à la demande des Tchétchènes, de faire office de médiateur. Le Kremlin a récusé cette offre lundi 1er octobre, arguant qu'il n'avait "pas besoin" d'une médiation étrangère pour trouver une solution à la crise. Cette proposition avait d'autant moins de chances d'aboutir que les relations entre la Russie et la Géorgie sont très détériorées, la première accusant la seconde d'abriter des "terroristes tchétchènes".

Des tentatives de discussions ont néanmoins eu lieu en fin de semaine dernière. Au cours de l'émission "Svoboda Slovo", sur la chaîne de télévision NTV, le 28 septembre, le porte-parole du Kremlin, Sergueï Iastrjembski, a affirmé que des contacts étaient noués avec l'entourage du président indépendantiste, Aslan Maskhadov, et pas seulement avec Ahmed Zakaev, son vice-premier ministre. Ce dernier est intervenu en direct, par téléphone, en annonçant avoir eu un contact quelques heures plus tôt avec le général Viktor Kazantsev, chargé par Vladimir Poutine de superviser l'opération (avortée) de "restitution des armes".

L'intervention du président qui, le 24 septembre, avait explicité en quoi consisterait l'aide russe aux Etats-Unis, avant de fixer un délai de trois jours, au cours duquel les indépendantistes étaient invités à déposer les armes, fait l'objet de deux interprétations à Moscou. Pour tous, le Kremlin est pressé d'en finir avec la guerre en Tchétchénie. Les uns prétendent que Vladimir Poutine est prêt à négocier, l'usage de la force ayant déjà montré ses limites. Les autres affirment que la poigne de fer restera de mise, l'Occident étant prêt à clore un peu plus les yeux en échange du soutien russe à la coalition antiterroriste. "Au cours des deux dernières années, les troupes russes ont commis des crimes de guerre massifs et ont tué des milliers de civils. Maintenant elles se préparent à faire beaucoup plus, mais cette fois, avec l'aval des Etats-Unis", note l'expert militaire Pavel Felguenhauer dans le quotidien anglophone Moscow Times.

Le président américain, George Bush, a certes abondé dans le sens de son homologue russe en déclarant, il y a quelques jours, que "dans la mesure où il y a des terroristes en Tchétchénie, des terroristes arabes associés à l'organisation Al-Qaida, ils devraient être traduits en justice". Mais M. Bush a également affirmé qu'"il est très important que le président Poutine traite la minorité tchétchène avec respect, respect pour les droits de l'homme et respect pour les différences de conceptions religieuses".

En Russie même, les événements de septembre semblent avoir conforté l'idée que la guerre en Tchétchénie est une "guerre juste". La proportion de Russes qui veulent que l'opération militaire en Tchétchénie continue est de 41 %, alors qu'elle était de 36 % en juillet, selon le dernier sondage réalisé par l'institut VTsIOM, le 24 septembre. Dans le même temps, la proportion de personnes favorables à des négociations a baissé, passant de 53 % à 44 %.

Marie-Pierre Subtil

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 03.10.01
http://www.lemonde.fr/rech_art/0,5987,228667,00.html