Amnesty International s'inquiète

Des personnes d'origine tchétchène risquent d'être renvoyés de force en Russie par les autorités allemandes

15 février 2002

Amnesty International est préoccupée à l'idée que Soulim Tchadissov et jusqu'à 19 autres personnes d'origine tchétchène risquent d'être renvoyés de force en Russie par les autorités allemandes, après avoir tenté en vain d'obtenir le statut de réfugié. Si ces personnes sont expulsées vers la Russie, il est à craindre qu'elles n'y soient victimes de mesures discriminatoires, placées en détention, et soumises à la torture ou à d'autres formes de mauvais traitements en raison de leur appartenance ethnique.

D'après les informations recueillies, l'étudiant Soulim Tchadissov risque d'être renvoyé de force en Russie par les autorités allemandes le 16 février. Il est actuellement incarcéré dans l'attente de son expulsion à la prison de Langenhagen, à Hanovre. Ce jeune homme et sa famille ont fui la Tchétchénie pour se rendre en Allemagne en juillet 2001, après que l'armée russe eut intensifié ses opérations non loin de leur village.

Les Tchétchènes demeurent un groupe extrêmement vulnérable en Russie, où ils font couramment l'objet de mesures discriminatoires de la part des autorités. Au cours des visites qu'il effectuait deux fois par an à Moscou depuis la Tchétchénie, Soulim Tchadissov avait été arrêté à plusieurs reprises par la police de la capitale russe.

INFORMATIONS GÉNÉRALES

Depuis le début du conflit actuel en Tchétchénie, qui a éclaté en 1999, les forces russes commettent des atteintes généralisées aux droits humains, notamment de graves violations des Conventions de Genève et d'autres normes applicables du droit international humanitaire. Dans le cadre des opérations de "nettoyage" ("zatchistka" en russe), officiellement destinées à débusquer des combattants tchétchènes, les forces russes continuent à perpétrer de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire contre la population civile. Amnesty International et d'autres organisations internationales de défense des droits humains ont recueilli des témoignages concordants faisant état de violations commises contre des civils au cours de ces opérations, notamment d'arrestations arbitraires, d'actes de torture y compris de viols et d'autres formes de mauvais traitements infligés en détention, de "disparitions" et d'exécutions extrajudiciaires. En outre, il est courant que les proches de personnes retenues captives par la police se voient extorquer de l'argent ou des armes par le personnel de leur lieu de détention en échange de leur libération. Amnesty International a recensé de nombreux cas d'actes de torture et d'autres formes de mauvais traitements infligés à des Tchétchènes par des représentants de l'État sur tout le territoire de la Fédération de Russie. Ces personnes sont notamment victimes de passages à tabac, de coups montés par des policiers qui placent sur eux des armes ou des stupéfiants, d'extorsion, et de périodes d'incarcération prolongées caractérisées par un respect minimal des règles de droit.

Les Tchétchènes déplacés par le conflit pâtissent tout particulièrement de l'application du système des propiska (permis de séjour). En dépit de son abolition en droit en 1991 et des décisions rendues ensuite par la Cour constitutionnelle russe confirmant sa suppression, les autorités de toutes les grandes villes de la Fédération de Russie continuent à imposer ce système. Celui-ci détermine de manière très stricte où les citoyens russes, y compris les Tchétchènes, peuvent légalement résider, travailler et bénéficier des prestations sociales de l'État (notamment en matière de logement, d'éducation et de santé). Les informations recueillies par Amnesty International montrent clairement que les autorités prennent prétexte de l'absence de ces permis pour priver de leurs droits des citoyens russes et, dans certains cas, pour les renvoyer sur leur lieu de résidence légal dans le pays. Des Tchétchènes expulsés vers la Russie seraient probablement reconduits en Tchétchénie, où ils risqueraient d'être victimes de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire. Amnesty International estime que le fait d'imposer à des Tchétchènes contraints à prendre la fuite l'option dite "du déplacement intérieur" consistant à chercher refuge sur le territoire de la Fédération de Russie constitue un traitement d'une dureté injustifiée.