Le CPT critique le manque de coopération des autorités russes pour faire la lumière sur les tortures, malgré "un climat palpable de peur".

Le torchon brûle entre le Conseil de l'Europe et Moscou

10 juillet 2001

STRASBOURG, 10 juil (AFP) - Le torchon brûle de nouveau à propos de la Tchétchénie entre la Russie et le Conseil de l'Europe, qui accuse Moscou de maquiller la vérité sur les exactions des forces de sécurité russes dans la république caucasienne.

Après la "punition" de la délégation russe, privée l'an dernier pendant un semestre de son droit de vote à l'Assemblée parlementaire, le Comité européen anti-torture (CPT) a à son tour critiqué mardi à Strasbourg avec une rare virulence les autorités russes pour leur "manque de coopération", leur refus d'enquêter sur les camps de Tchernokosovo, et même le déni de l'existence de ces camps.

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe va donc sans doute à nouveau débattre en septembre prochain des droits de l'Homme en Tchétchénie.

Choisissant de s'exprimer dans une "déclaration publique" - procédure particulièrement infamante qui n'a été utilisée que deux fois dans toute l'histoire du CPT (contre la Turquie) -, les experts européens ont estimé que le dialogue avec Moscou se trouvait "dans l'impasse" sur "au moins deux questions qui sont source de préoccupations graves".

La première concerne l'existence même de camps de détention à Tchernokosovo, lieu de tortures entre décembre 1999 et février 2000. Le déni des autorités russes de l'existence de ces camps est "à l'évidence indéfendable", affirme le CPT, preuves à l'appui.

Il a en effet rassemblé les témoignages d'un grand nombre d'anciens détenus, de nombreux officiels russes (procureurs, enquêteurs, personnels de surveillance) rencontrés par la délégation, ainsi que des copies du registre médical de l'établissement et des attestations écrites de fonctionnaires ayant travaillé dans ces lieux.

L'autre problème auquel s'est heurté le CPT, c'est le manque de coopération des autorités russes pour faire la lumière sur les mauvais traitements infligés "à un nombre considérable de personnes", depuis le début du conflit, par les forces armées ou les forces de l'ordre russes, et qui se poursuivent aujourd'hui.

Lors de sa plus récente visite, en mars 2001, la délégation du CPT "a senti un climat palpable de peur", selon la déclaration publique. "L'on craignait des représailles au niveau local et il y avait le sentiment général que, de toutes façons, justice ne serait pas faite".

"La déclaration du CPT est très préoccupante car elle souligne un manquement à l'obligation de coopérer" avec le Comité, a déclaré à l'AFP Bruno Haller, secrétaire général de l'Assemblée parlementaire. Il a indiqué avoir été saisi de demandes d'inscription d'un débat sur la Tchétchénie pour la prochaine session de septembre.

Une visite parlementaire sera organisée du 13 au 16 septembre dans la république caucasienne, avant la session de l'Assemblée, a-t-il annoncé.

Ce nouveau coup de semonce contre Moscou survient après la menace du Conseil de l'Europe, en juin dernier, de retirer ses experts en droits de l'Homme de Tchétchénie si les autorités russes ne fournissaient pas rapidement la preuve de "réels progrès".

Plusieurs parlementaires, dont le rapporteur sur la Tchétchénie Rudolf Bindig (Allemagne, SPD), appuient cette menace, craignant que la présence des experts européens puisse servir de commode alibi aux autorités de Moscou.