Poutine et Chirac évoquent les sujets qui fâchent à l'Elysée

15 janvier 2002

par Christine Ollivier

PARIS (AP) -- Le président russe Vladimir Poutine a été reçu mardi soir par son homologue français Jacques Chirac pour un entretien consacré à des sujets relativement consensuels tels que la lutte contre le terrorisme ou la tension entre l'Inde et le Pakistan, mais aussi à quelques questions qui fâchent comme la situation en Tchétchénie.
Les deux hommes ne convergent visiblement pas sur ce dernier sujet qui devait être à nouveau évoqué lors d'un dîner de travail dans la soirée.

Le président français a en effet souligné lors d'une conférence de presse commune que ''le problème tchétchène ne se résumait pas seulement à l'aspect terroriste'' et que ''sa solution justifiait un dialogue politique approfondi''.

''Dites-moi quelle est la différence entre ce régime criminel (tchéchène, ndlr) et celui des talibans? Il n'y en a pas, sauf que le régime tchétchène est peut-être plus sanglant'', a répliqué Vladimir Poutine.

''Le 11 septembre, le monde a frémi'', mais ''la Russie a frémi bien avant'', a rappelé le chef du Kremlin en faisant allusion aux terribles attentats meurtriers qui avaient frappé des immeubles d'habitation de la capitale russe et de Volgodonsk, une ville de province, juste avant le déclenchement de la deuxième guerre de Tchétchénie en 1996.

''Le sang des Russes qui ont péri à Moscou est de la même couleur que celui des victimes du World Trade Center''. Dès lors, ''nous sommes en droit d'avoir recours à tous les moyens'' en Tchétchénie, a affirmé M. Poutine. De toute façon, ''cela a été et cela reste un problème intérieur de la Russie'', a-t-il souligné.

Autre sujet sensible évoqué entre les deux chefs d'Etat, le sort réservé au journaliste Grigori Pasko, condamné le 25 décembre dernier à quatre ans de prison ferme pour ''haute trahison''. Journaliste au quotidien de la marine russe ''Boevaïa Vakhta'', il avait filmé en 1996 des déversements de déchets radioactifs liquides en mer du Japon.

Une dizaine de militants de Reporters sans frontières (RSF) ont d'ailleurs manifesté mardi matin pour la libération du journaliste en collant des affichettes sur les portes vitrées de l'agence de voyages russe Aeroflot, sur les Champs-Elysées.

Sur cette question, le président russe a semblé esquisser un geste: ''S'il y a un recours en grâce présidentielle, il sera étudié'', a-t-il déclaré. Selon l'Elysée, il est même allé un peu plus loin lors de son entretien avec M. Chirac puisqu'il a expliqué qu'il était ''prêt à exercer son droit de grâce présidentielle si l'affaire était portée devant lui''.

Concernant les relations entre Moscou et l'Alliance atlantique, Jacques Chirac a rappelé que la France était ''favorable à une association de la Russie aux activités de l'OTAN, sur un pied d'égalité''. Il est ''plus important que jamais (...) que ce lien soit le plus fort possible'', a-t-il estimé.

Les présidents russe et français ont d'ailleurs décidé de mettre en place ''une consultation régulière russo-française, au niveau des ministres des Affaires étrangères et de la Défense pour traiter l'ensemble des questions stratégiques et de sécurité'', a dit M. Chirac.

Après la décision du président américain George W. Bush de se retirer du traité ABM de 1972 prohibant les missiles balistiques, ''l'essentiel est désormais de rechercher la mise en place d'un nouveau cadre stratégique'' qui ''s'impose'', a souligné le président français.

A l'issue de cette rencontre, ''brève mais intense'' selon Vladimir Poutine, le président russe devait repartir dès mardi soir pour Varsovie.

http://fr.news.yahoo.com/020115/5/2fijs.html