Chirac et Poutine affirment une large convergence de vues

2 juillet 2001

par Bernard Giansetto

MOSCOU (AP) -- Accord franco-russe sur les grandes questions mais divergences sur certains ''détails'' comme l'extradition de Slobodan Milosevic ou la politique guerrière du Kremlin en Tchétchénie: Jacques Chirac et Vladimir Poutine ont exprimé une large convergence de vues lundi au Kremlin, à l'issue d'entretiens politiques qui leur ont permis de faire un tour d'horizon de la situation internationale.

Les Russes sont très préoccupés par la volonté des Etats-Unis de développer un système antimissiles susceptible de déséquilibrer la parité stratégique prévalant depuis la guerre froide. Sans jamais citer le traité ABM interdisant les systèmes antimissiles, traité que les Américains veulent dénoncer afin de mettre place leur projet de bouclier, Paris et Moscou ont signé une ''déclaration conjointe sur les questions stratégiques''. Dans ce texte, ils estiment ''essentiel de garantir les équilibres stratégiques internationaux dans le nouveau contexte issu de la fin de la guerre froide.''

Or, soulignent-ils, ''les instruments de ces équilibres existent actuellement'', et ''il faudrait veiller à ce qu'ils ne soient pas remplacés par un système non contraignant qui ouvrirait la voie à de nouvelles compétitions.'' Autrement dit à une relance de la course aux armements dans un monde ''multipolaire'', où les deux grands vont faire face à l'émergence de puissances régionales.

Sur le plan bilatéral, un grand marchandage est en cours: la Russie pourrait, comme elle le souhaite, utiliser le pas de tir de Kourou, en Guyane française, pour les vols commerciaux de ses Soyouz, tandis que la compagnie russe Aeroflot choisirait de renouveler sa flotte avec des Airbus plutôt qu'avec des Boeing, indiquait-on de source proche de l'Elysée.

Ce donnant-donnant n'est pas conclu et l'Agence spatiale européenne -où les Français ne sont pas seules à décider- se prononcera en novembre en ce qui concerne Kourou. Mais d'ores et déjà un accord a été signé lundi à Moscou entre le consortium aéronautique européen EADS et l'agence aérospatiale russe portant sur un montant de 2,1 milliards d'euros et qui permettra notamment aux avionneurs russes de fabriquer des pièces détachées d'avions Airbus.

Enfin, si la Tchétchénie a bien été évoquée lors d'un dîner privé réunissant les deux présidents dimanche soir à Saint-Petersbourg, la question n'a pas été évoquée spontanément par les deux hommes devant la presse. Interrogés sur ce silence, le président français a redit que Paris considérait qu'il n'y avait ''pas d'autre solution que politique'' à ce conflit. Vladimir Poutine assimile quant à lui les combattants tchétchènes à des ''mercenaires venus de l'étranger'', à des ''terroristes'' qui financent leurs activités par le trafic de drogue.

Les critiques de la France envers la politique russe en Tchétchénie avaient provoqué un net refroidissement des relations franco-russes, qui ne semble plus de mise aujourd'hui, la question étant manifestement reléguée au second plan. M. Chirac a d'ailleurs répondu avec réticence à la question d'un journaliste à ce sujet.

Quant à l'ambiance entre les deux hommes, si l'on a pu les voir taquiner le poisson samedi soir à Saint-Petersbourg, la relation ne semble pas d'une grande chaleur. Il est vrai que la retenue naturelle du président russe ne porte guère aux effusions.