Après la visite de Chirac en Russie ...

Maskhadov dénonce le silence de Paris, Berlin et Londres sur les exactions

6 juillet 2001

MOSCOU, 6 juil (AFP) - Le président indépendantiste tchétchène Aslan Maskhadov a accusé vendredi Paris, Berlin et Londres d'approuver "tacitement" les "représailles ethniques" menées en Tchétchénie, reflet de sa déception face à la mansuétude dont bénéficie Vladimir Poutine de la part des Européens.

"Des représailles ethniques de masse se poursuivent en Tchétchénie sous les yeux de la communauté mondiale avec l'accord tacite de plusieurs chefs d'Etat européens (France, Allemagne, Grande-Bretagne)", écrit la présidence tchétchène, qui s'est rarement montrée aussi virulente.

Ces déclarations sont intervenues quelques jours après une visite en Russie du président français Jacques Chirac qui s'est contenté d'appeler à une solution politique du conflit.

"La visite de Chirac a joué un rôle dans les déclarations d'aujourd'hui. Maskhadov a été déçu car le président français n'a rien dit sur les massacres et les crimes de guerre", estime l'expert militaire russe Pavel Felgenhauer.

Les autres dirigeants européens ont également adopté ces derniers mois un profil bas sur le conflit tchétchène, se contentant de vagues appels à des négociations alors que Vladimir Poutine ne reconnaît plus la légitimité de Maskhadov depuis le lancement de l'opération militaire contre la république du Caucase du nord, le 1er octobre 1999.

Maskhadov a également appelé la mission de l'OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe), à nouveau présente en Tchétchénie depuis le 15 juin, à "intervenir immédiatement", en exerçant notamment "une surveillance" des militaires.

Les accusations du président indépendantiste ont coïncidé avec une nouvelle mise en cause de l'armée dans plusieurs opérations de "ratissage", dénoncées jeudi par l'organisation russe de défense des droits de l'homme Memorial mais également par le chef du gouvernement tchétchène pro-russe Stanislav Iliassov.

Deux militaires ayant participé à ces opérations ont été limogés et le chef du gouvernement a promis une enquête "approfondie" et des punitions contre les coupables.

Memorial a affirmé qu'une centaine de civils avaient été arrêtés par les forces russes dans la nuit du 2 au 3 juillet à Sernovodsk (une quarantaine de km à l'ouest de Grozny). La population est depuis sans nouvelles de sept d'entre eux, selon l'organisation. Cette opération faisait suite à la mort d'un soldat, tué par l'explosion d'une mine.

Le même scénario s'est déroulé le 3 juillet à Assinovskaïa (distante de quelques kilomètres de Sernovodsk) où douze civils sont portés disparus depuis l'opération menée par l'armée russe, selon la même source.

Les maires tchétchènes pro-russes de ces deux localités ont démissionné en signe de protestation mais leur démission a été refusée par M. Iliassov.

Selon la présidence indépendantiste, ces exactions ont provoqué un nouvel afflux de réfugiés vers la république voisine d'Ingouchie.

"Après chaque ratissage, nous savons qu'il y aura de nouvelles arrivées en Ingouchie. Ces opérations sont une humiliation pour les Tchétchènes. Elles sont en outre devenues un business pour l'armée puisque les Tchétchènes sont obligés de lui racheter leurs proches qui ont été arrêtés", a déclaré à l'AFP le président ingouche Rouslan Aouchev.

L'Ingouchie, favorable à des négociations avec les indépendantistes, accueille quelque 148.000 réfugiés 21 mois après le début de la guerre.

Le ministre russe de l'Intérieur Boris Gryzlov a cependant désavoué M. Iliassov, déclarant que les opérations de "nettoyage" étaient "nécessaires".