du Comité Tchétchénie de Paris
Lettre ouverte à Edouard Chevardnadze, Président de la République de Géorgie
20 février 2002
Monsieur le Président,
Le Comité Tchétchénie de Paris, organisation indépendante et apolitique, souhaite vous faire part de sa vive préoccupation au sujet de la menace de retours forcés de réfugiés du conflit tchétchène vers la Russie.
La plupart des réfugiés réside dans la vallée de Pankissi (région d'Akhmeta-est Géorgie) depuis la fin 1999, date du début de la deuxième guerre en Tchétchénie. Environ 7.000 à 8.000 personnes, en grande majorité des femmes, enfants et personnes âgées, fuyant à pied à travers le Caucase, ont ainsi été accueillies par la République de Géorgie. Progressivement, des structures d'accueil ont été mises en place par des organisations internationales (UNHCR, MSF) et géorgiennes. Le statut de réfugié a été accordé par la République de Géorgie en conformité aux conventions internationales signées par le pays.
Or à la date du 5 février 2002, le Président de la Fédération russe Vladimir Putin a donné instructions au Ministre des Situations d'Urgence, Sergei Shoigu, de préparer un plan de rapatriement des réfugiés tchétchènes résidant en Géorgie. Cette décision interviendrait à la suite de négociations entre les Ministères des Affaires Etrangères des deux pays. Une délégation russe incluant des représentants du Ministère de l'Intérieur qui dirige la répression en Tchétchénie s'est rendu à Tbilisi du 14 au 16 février pour signer un accord sur le rapatriement de réfugiés qui n'a pas été rendu public.
Or, du fait de la continuation de la guerre en Tchétchénie et de graves violations de droits de l'Homme commises par les forces de sécurité fédérales russes, un tel retour n'est en aucun cas envisageable. De nombreux rapports réalisés par des organisations internationalement reconnues telles que Amnesty International, Human Right Watch, FIDH et Mémorial confirment et détaillent la poursuite de ces graves exactions contre la population civile incluant tortures, exécutions sommaires, viols, extorsions de fonds, pillages.
De plus, ce retour ne pourrait se faire sans l'accord des réfugiés qui n'ont en aucun cas émis le désir de revenir en Russie et n'ont été ni consultés ni informés des discussions tenues entre autorités russes et géorgiennes. Le 9 février, l'UNHCR, l'agence de l'ONU en charge des réfugiés, a également dénoncé ces menaces d'expulsion et rappelé que les conditions de sécurité pour un retour en Tchétchénie n'étaient pas assurées.
Un quelconque rapatriement de ces réfugiés suite à l'accord entre la Géorgie et la Fédération de Russie serait une violation flagrante et grave de la Convention internationale de 1951 sur l'accueil des réfugiés que la République de Géorgie a signée. En outre, une opération d'expulsion de réfugiés légaux serait en complète négation des principes du Conseil de l'Europe auquelle la Géorgie appartient. Finalement, une telle opération de marchandage de la République de Géorgie au dépens de réfugiés serait une trahison des principes fondateurs du pays et des règles ancestrales d'hospitalité entre peuples caucasiens. De telles menaces interviennent alors que ce 23 février sera commémoré la déportation de l'ensemble de la population tchétchène par le pouvoir soviétique en 1944.
La mise en avant de problèmes de sécurité dans la région de Pankissi ne constitue qu'un faux prétexte pour dénigrer les réfugiés alors des problèmes de criminalité existaient bien avant 1999. Le gouvernement russe a tenté de faire croire que des milliers de combattants armés séjourneraient dans le vallée de Pankissi, ce qui n'a jamais pu être démontré. De nombreuses organisations humanitaires ainsi que des journalistes et des membres du Comité Tchétchénie de Paris, qui se sont rendus n'ont pu le relever. De plus, l'OSCE, présente dans les régions frontalières de la Géorgie n'a pas non plus indiqué une telle présence militaire.
De fait, les autorités russes, utilisant la désinformation, veulent obtenir un rapatriement forcé des réfugiés présents en Géorgie et les soumettre à l'arbitraire des forces de sécurité engagées dans une répression féroce et de grande ampleur contre la population civile de Tchétchénie.
Aussi, Monsieur le Président, en autorisant et organisant un retour forcé de ces populations réfugiées en Géorgie vers la Russie, vous prendriez la responsabilité de mettre en danger la vie et l'intégrité physique de ces personnes. Le Comité Tchétchénie de Paris vous demande résolument de refuser toute opération d'expulsion ou de rapatriement de réfugiés de la guerre en Tchétchénie présents en Géorgie et de leur fournir des conditions de séjour décentes notamment en matière d'éducation et de sécurité.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de notre Haute Considération.
Le Comité Tchétchénie
de Paris
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