Mémorial accuse...
Moscou accusé
d'exécutions sommaires en Tchétchénie
6 mars 2001
MOSCOU (Reuters) - Une association russe respectée de défense des droits de l'homme a présenté une cassette vidéo montrant des corps attachés et mutilés dans un charnier tchétchène, et affirme que le film prouve que l'armée a tué des civils et exécuté des suspects sans procès en Tchétchénie.
Le porte-parole de Moscou pour la province Sergueï Iastrjembski et d'autres responsables sont injoignables pour répondre à ces accusations, qui font suite à la découverte le mois dernier de dizaines de corps dans la périphérie de la capitale tchétchène Grozny.
Le procureur russe pour la Tchétchénie a par le passé déclaré que ces corps étaient en majorité ceux de rebelles tués au combat, lors de la deuxième guerre de Tchétchénie qui a débuté il y a 18 mois.
Mais Oleg Orlov, président de l'association Mémorial, assure qu'il existe des preuves évidentes de l'exécution de certains. Elles ont été filmées et figurent sur cette cassette vidéo."Je sais qu'il y avait des personnes qui n'ont pas pris part aux combats, qui n'ont tenu aucune arme dans leurs mains", a-t-il dit à Reuters avant d'imputer ces crimes aux forces fédérales.
Orlov a indiqué avoir vu 23 corps qui avaient été retirés d'une fosse commune pour être présentés aux familles. Il a ajouté qu'un de ses collègues avait ensuite distingué 50 corps au même endroit.
La vidéo de Mémorial, que s'est procurée Reuters, montre des dizaines de corps alignés. La plupart sont des hommes, beaucoup portent des vêtements civils et un grand nombre ont les pieds et les mains attachés par une corde. Plusieurs crânes portant de petits trous de balles dans le centre du front sont présentés à la caméra.
Mémorial est une association respectée créée au milieu des années 80 pendant la Glasnost, la politique d'ouverture prônée par le dernier président soviétique Mikhaïl Gorbatchev. Elle a notamment enquêté sur les crimes de l'ère stalinienne.
Corps mutilés, oreilles coupées
Selon les autorités, le nombre de corps s'élève à 48, mais Orlov estime que 54 ou 55 seraient des chiffres plus exacts.
Sur la vidéo, d'autres corps sont déchargés d'un camion par des hommes portant des masques à gaz.
Orlov a précisé que quatre femmes figuraient parmi les victimes, dont certaines avaient les yeux bandés. D'autres ont été mutilées, apparemment par des bourreaux qui collectionnaient les trophées. "J'ai personnellement vu deux personnes dont les oreilles avaient été coupées", a dit Orlov.
La Russie a démenti à plusieurs reprises les accusations selon lesquelles ses forces auraient commis des violations systématiques des droits de l'homme lors de l'offensive militaire lancée fin 1999 et arrêtée à la fin du printemps 2000.
Orlov estime que les victimes sont mortes depuis plus d'un an, ce qui signifie qu'elles auraient été abattues à l'époque où la zone était sous contrôle russe. Il a précisé que des proches avaient déjà emporté sept corps et les avaient identifiés comme ceux de personnes portées diparues depuis leur arrestation par les forces de sécurité russes.
Interrogé mardi en direct sur Internet par la BBC et deux sites russes, le président russe Vladimir Poutine a réaffirmé que ses forces n'avaient pas agi brutalement en Tchétchénie. "Ces questions reflètent à quel point un nombre significatif de personnes à l'Ouest ne comprennent pas ce qui se passe dans le Caucase, en particulier en Tchétchénie", a-t-il dit en réponse aux commentaires d'une Danoise, qui affirmait que la Russie avait utilisé des "méthodes cruelles" dans la province.
Poutine a également riposté, lorsqu'une journaliste britannique lui a soutenu que la plupart des Tchétchènes qu'elle avait rencontrés sur place étaient hostiles à Moscou et à son intervention militaire. "Beaucoup de personnes la voient d'un oeil négatif, beaucoup d'autres d'un oeil positif. Nous pensons que les actions de l'armée russe visent à libérer le peuple tchétchène des terroristes qui ont pris le pouvoir là-bas", a-t-il dit.
http://fr.news.yahoo.com/010306/2/1069q.html