Moscou voit dans les attentats américains une justification de sa politique

12 septembre 2001

MOSCOU, 12 sept (AFP) - Les attentats commis aux Etats-Unis ont donné à Moscou un argument de poids pour une coopération accrue dans la lutte contre le terrorisme mondial qu'elle affirme combattre en Tchétchénie et dont elle s'inquiète dans les ex-républiques soviétiques d'Asie centrale.

Dans le même temps, la population russe a fait preuve d'une rare solidarité avec les Américains depuis la chute de l'URSS, exprimant l'espoir que les Etats-Unis comprendraient mieux les événements tragiques qu'a vécus leur pays en 1999 lors d'attentats qui ont fait près de 300 morts.

Le président Vladimir Poutine est intervenu dès mardi soir à la télévision pour faire valoir que ces attentats soulignaient "l'actualité de la proposition russe d'unir les efforts (de la communauté internationale) pour lutter contre le terrorisme".

La Russie affirme être intervenue militairement dans la république indépendantiste de Tchétchénie le 1er octobre 1999 au nom de la lutte contre le terrorisme international. Les attentats d'août et septembre 99, dont Moscou a accusé les indépendantistes tchétchènes sans en présenter les preuves, ont servi à justifier cette intervention.

Ce message est cependant difficilement passé jusqu'à présent auprès des Occidentaux qui ont surtout retenu les violations des droits de l'Homme résultant de l'opération militaire.

Moscou est également l'un des pays les plus critiques envers le régime des taliban afghans, accusé d'alimenter le terrorisme en Tchétchénie et dans les anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale, en particulier au Tadjikistan, en Ouzbékistan et au Kirghizstan.

L'armée russe a ainsi profité de l'occasion pour répéter ses accusations sur des liens entre les rebelles tchétchènes et le milliardaire d'origine saoudienne Oussama ben Laden, réfugié en Afghanistan et soupçonné par les Etats-Unis d'être à l'origine des attentats.

"Poutine, en bon politique, a exploité cette affaire pour reprocher implicitement à l'Occident de ne pas approuver la lutte antiterroriste menée par la Russie en Tchétchénie. Il a fait comprendre que si Moscou accorde son soutien à l'Amérique, elle souhaite qu'on arrête de la critiquer", souligne le politologue Andreï Piontkovski.

"Certains Russes s'attendent maintenant à ce que les Etats-Unis se rapprochent de nous et comprennent mieux notre politique en Tchétchénie", souligne de son côté le sociologue Iouri Levada.

Des dizaines de Russes ont déposé des bouquets de fleurs en hommage aux victimes de l'attentat devant l'ambassade des Etats-Unis, où brûlent des bougies autour d'une icône en carton. Les appels téléphoniques de Russes proposant de faire don de leur sang aux victimes se sont multipliés mercredi, selon l'ambassade américaine à Moscou. Le Kremlin a de son côté invité les Russes à observer une minute de silence jeudi à 08H00 GMT et proposé d'envoyer aux Etats-Unis des équipes de sauveteurs et des avions sanitaires.

Ces témoignages de solidarité n'étaient cependant pas toujours exempts d'amertume. "En 1999, c'est tout juste si l'Occident ne nous accusait pas d'avoir nous-mêmes organisé les attentats. Les Américains ne savaient pas ce que c'était que le terrorisme. Maintenant ils le savent", confiait Alina.

La presse et le Parti communiste russe s'interrogaient d'autre part sur le coup porté à la première puissance mondiale.

"Nous sommes très inquiets face à l'impuissance de l'administration américaine qui n'a pas pu pendant plusieurs heures organiser la riposte nécessaire", a déclaré Guennadi Ziouganov, le chef du PC, premier parti politique à la Douma (chambre basse). "Les événements d'hier ont montré que l'unique superpuissance est non seulement vulnérable mais presque sans défense", conclut le quotidien Vremia Novosteï.