Moscou commence à toucher les dividendes de sa coopération avec Washington

4 octobre 2001

MOSCOU, 4 oct (AFP) - Rapprochement avec l'OTAN, baisse des critiques occidentales sur la Tchétchénie ou la coopération militaire avec l'Iran, visite de Tony Blair: la Russie a commencé à toucher les dividendes de son ralliement à la coalition antiterroriste de Washington.

Le Premier ministre britannique, qui se veut en première ligne de l'offensive occidentale contre le terrorisme aux côtés de George Bush, doit rencontrer Vladimir Poutine jeudi soir au Kremlin lors d'une visite éclair avant de se rendre au Pakistan.

"La venue de Blair à Moscou est la preuve évidente du soutien des Occidentaux à Poutine. Ils ont compris qu'ils devaient l'appuyer pour que l'ex-agent du KGB ne soit pas paralysé par son entourage", estime le politologue Viktor Kremeniouk.

Vladimir Poutine a décidé le 24 septembre dernier d'offrir une coopération sans précédent aux Américains en cas de représailles contre l'Afghanistan, malgré les pressions en sens contraire de la hiérarchie militaire, d'une partie de la classe politique et de l'opinion publique.

"Après la visite de Blair, on pourra parler d'une nouvelle triade des Etats (Etats-Unis, Russie, Grande-Bretagne) qui jouent un rôle leader dans la lutte antiterroriste", vont jusqu'à écrire les Izvestia.

La venue de Tony Blair intervient au lendemain d'une visite de Poutine à Bruxelles pour un sommet Russie-UE et une rencontre avec le secrétaire général de l'OTAN George Robertson, considérée comme un succès par la presse russe.

"L'entrée de la Russie dans la coalition antiterroriste lui permettra d'accélérer son intégration dans l'économie européenne et mondiale", soulignait jeudi Vremia NM, faisant notamment allusion à l'adhésion de Moscou à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en souffrance depuis des années.

Un rapprochement s'est également fait avec l'OTAN et les deux parties ont pris la décision de créer "un organe de travail pour étudier la possibilité d'un changement significatif des relations entre la Russie et l'OTAN".

Moscou a signé en 1997 une charte Russie-Otan qui avait essentiellement pour but de lui faire accepter l'élargissement de l'Alliance à l'Europe de l'Est.

Très vite cependant, les Russes ont été frustrés par les limites de cet accord qui ne leur donne qu'une voix consultative, comme l'a montré leur impuissance lors des bombardements de l'OTAN au printemps 99 en Yougoslavie, qu'ils ont en vain dénoncés.

La quasi-absence de critiques contre l'"opération antiterroriste" que Moscou affirme mener contre les indépendantistes en Tchétchénie est également révélatrice des nouvelles relations avec l'Occident.

"L'Union européenne a exprimé son soutien aux efforts des autorités russes en vue d'un règlement politique", stipule simplement la déclaration conjointe diffusée à l'issue du sommet UE-Russie.

Le président George Bush avait déjà pour la première fois déclaré, le 26 septembre dernier, que des membres du réseau d'Oussama ben Laden se trouvaient en Tchétchénie, ce dont les Russes s'évertuaient à persuader les Occidentaux depuis des mois.

Les Etats-Unis ont également réagi avec une relative modération à la conclusion mardi d'un accord de coopération militaire entre Moscou et Téhéran ouvrant la voie à des ventes d'armes russes à ce pays, qui est toujours considéré comme un Etat soutenant le terrorisme par Washington.

La Maison Blanche a exprimé son inquiétude, plus de 24 heures après la signature de l'accord, mais s'est gardée d'agiter des menaces de sanctions contre les sociétés russes qui vendrait des armes à l'Iran comme Washington l'avait fait dans le passé.

Peu après la signature de cet accord, le secrétaire d'Etat américain Colin Powell a même déclaré que les relations avec la Russie étaient entrées dans une phase de "changements d'ampleur sismique, aux proportions historiques", après les attentats du 11 septembre.